Une histoire
Pour Jean Rondeau, le 15 juin 1980 est le plus beau jour de sa vie. Jean Marc Tesseidre, journaliste à l’Auto Journal écrivit : « Aux larmes citoyens, le jour de gloire est arrivé. ». Pour la première fois dans l’histoire des 24 Heures, un pilote l’emporte sur une voiture de sa construction. Cet exploit est encore plus apprécié, car il a été acquis devant un géant : Porsche ! Au Mans – dans la ville et dans le Département de la Sarthe – il prend une dimension phénoménale, car Jean Rondeau est un enfant du pays, et la voiture a été conçue et assemblée ici ! Seul le moteur – le meilleur du moment, un Ford Cosworth – vient d’Angleterre. Depuis son enfance, bercé par les 24 Heures, Jean Rondeau rêve de devenir pilote et de participer à la course. Mais il n’arrive pas à obtenir de volant à la hauteur de son ambition.
Le sport automobile coûte cher, mais à force de volonté, la passion aidant, le pilote sarthois pulvérise les obstacles un à un, trouve un premier sponsor solide – Inaltera – et réussit à construire ses propres voitures. Une nouvelle catégorie imaginée par l’Automobile Club de l’Ouest, le GTP (Grand Tourisme Prototype) est l’occasion idéale pour Rondeau. C’est durant l’hiver 1975-76 que Jean Rondeau, entouré par une équipe d’amis fidèles et très bien conseillé, que Jean Rondeau fabrique ses premières machines, qui portent le nom des papiers peints « Inaltera ». Après une victoire en catégorie GTP en 1977, le partenariat avec son principal sponsor est dissous, et l’ensemble des actifs et les voitures sont vendu. Jean Rondeau construit une nouvelle voiture, la M378, pour les 24 Heures de 1978. La voiture, achevée quelques jours avant les essais qualificatifs, elle ne décroche que le 40ème temps. Mais l’équipe est combative, elle termine classée 9ème et première de son groupe.
En 1979, deux Rondeau terminent 5ème et 10ème, et au lendemain de la course, Jean Rondeau pense déjà à l’année suivante. En 1980, après 26 heures d’essais au Castelet, le team arrive au Mans avec trois voitures engagées en Groupe 6. La M379 ayant des problèmes électriques, Rondeau et Jaussaud ont bien failli ne pas se qualifier pour la course. Le départ est donné sous l’orage, et les plus audacieux en profitent pour se faire remarquer. Les Porsche 935, engagées dans le Groupe 5, sont très compétitives sous la pluie, et avec le retour des éclaircies, les concurrents du Groupe 6, en difficulté, reviennent dans la course. Le tandem Pescarolo-Ragnotti semble le plus à l’aise dans cet exercice, pourtant après minuit, un problème moteur a raison de la Rondeau N° 15. Vingt-neuf leaders se succèdent et la course reste incertaine. En tête à quelques heures du drapeau à damiers, la monture de Rondeau-Jaussaud fait des siennes. Le rêve tourne au cauchemar. Le démarreur de la M379 fonctionne mal, et à chaque ravitaillement, les mécaniciens sont obligés de l’arroser d’eau fraîche. Fatigué, Jean laisse prudemment le volant à son coéquipier. Equipée de pneus slicks, les pluies intermittentes font danser la Rondeau sur une piste détrempée. En seconde position, la Porsche 908/80 de Ickx, devient de plus en plus pesante, mais la pluie laisse la place à un soleil asséchant, et la Porsche en sera quitte pour un double et inutile changement de pneus. La victoire se dessine pour la Rondeau et c’est au milieu d’une véritable marée humaine que Jean-Pierre Jaussaud franchit la ligne d’arrivée. Il raconte : "A quatre reprises, la voiture s’est mise dans des positions dangereuses. A chaque fois, j’ai réussi à la rattraper, mais la cinquième fois, elle est partie en tête-à-queue au ras des glissières de sécurité. Le premier miracle est de n’avoir rien touché. Le second fut de repartir. Le moteur Ford n’a redémarré qu’à la troisième sollicitation. Comme quoi, nous étions vraiment les élus du ciel aujourd’hui."
En 1981, si une Porsche est première sur le podium, 2 Rondeau sont 2ème et 3ème. La nouvelle M482 conçue pour 1982 s’avère moins compétitive. Jean Rondeau disparut prématurément fin 1985 dans un stupide accident de la route avec un train à un passage à niveau, il avait 39 ans. Ainsi s’est achevée la plus belle page que le Mans écrivit pour sa propre histoire en course.
Non Exposée au Musée